Seilhac : Coups de coeur
La patience des traces de Jeanne Benameur (chez Actes Sud)
Dans ce roman profond et léger, l'auteur nous emmène dans
l'intimité profond de Simon.
Par son écriture lumineuse, elle nous dit la vulnérabilité de l'être humain, la
violence de ses sentiments, l'insistance de souvenirs douloureux, leurs traces...
Qui ne s'effacent pas, mais attendent avec patience de pouvoir revenir à la
conscience.
Un bol cassé, un matin, et c'est le déclic pour Simon, psychanalyste fatigué,
installé depuis toujours dans une ville au bord de l'océan : le moment
d'aller ailleurs.
C'est au Japon, dans les îles Yaeyama que Simon part pour « désencombrer
son coeur ». Là, il se laisse accueillir par Daïsuhé et Aikiko ses hôtes
japonais.
Leur délicatesse bienveillante, le respect des silences de chacun, de nouvelles
expériences sensorielles, la mise en mouvement de son corps dans une nature
vivifiante, amènent Simon à « ces moments où l'esprit se déploie. Un mot,
une image, un son nous soustraient de la réalité, ravis du monde. ».
Surgissent alors les souvenirs enfouis que Simon peut recevoir. Et petit à
petit se réconcilier avec lui-même.
Un écriture sensuelle nimbée de poésie, un rythme mélodieux, des métaphores
subtiles soutenant toute la narration :
- l'art du kintsugi qui magnifie la brisure de la porcelaine (cassée) par
un filet d?or, lui redonnant une nouvelle vie.
- le ballet majestueux des raies Manta allant déposer sur le corail tout ce
qui s'est accroché à elles.
- la teinture des étoffes aux poignets avec des pochoirs en pâte de riz qui
cachent pour mieux révéler...
Très beau livre de Jeanne Benameur, que je lis et relis et découvre à chaque nouvelle lecture, « ces moments d'âme » dont parle Simon.