Conférence « laisser-vous conter » 26 janvier 2017
Laissez-vous conter
Martine Fialip Baratte
26 janvier 2017
Je vais essayer de vous montrer que le conte s?adresse aux adultes comme aux enfants. Et cela au travers de versions différentes du même conte.
En effet, s?il existe parfois plus de 1000 versions du même conte, c?est que le conte existe depuis des millénaires, dans tous les pays, qu?il traite de thèmes communs aux différents peuples et qu?il s?est transmis oralement, véhiculant au fil des siècles mythes et légendes.
Cette transmission orale regroupait adultes et enfants dans un espace clos qui permettait de se protéger des éléments, froid, nuit, dangers, etc. où l?on se sentait en sécurité prêts à entendre des histoires terrifiantes d?animaux sauvages dévoreurs d?êtres humains ou pour rêver des histoires de fées, de princes et de princesses.
Noël du Fail dans Propos Rustiques :
"Volontiers après souper, le ventre tendu comme un tambourin, saoul comme Patault, jasait le dos tourné au feu, veillant bien mignonnement du chanvre, ou raccoutrant à la mode qui courait ses bottes, [?] chantant bien mélodieusement, comme honnêtement le savait faire, quelque chanson nouvelle, Jouanne, sa femme, de l?autre côté, qui filait, lui répondant de même. Le reste de la famille ouvrant chacun en son office [?]. Et ainsi occupé à diverses besognes, le bon homme Robin (après avoir imposé silence) commençait un beau conte du temps que les bêtes parlaient." 1548
Avoir peur, rêver mais pas seulement?
« Ils étaient racontés par des adultes pour le plaisir et l?édification des jeunes et des vieux ; ils parlaient de la destinée de l?homme, de ses épreuves et de ses tribulations, de ses peurs et de ses espoirs, de ses relations avec son prochain et avec le surnaturel, et cela, sous une forme qui permettait à chacun d?écouter le conte avec plaisir et, en même temps, de méditer sur son sens le plus profond. »
B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées.
I. Historique
1. Esope, viie ??vie siècle av. J.-C.) est un écrivain grec d'origine phrygienne, à qui on attribue la paternité de la fable. Le premier recueil de fables attribuées à Ésope a été compilé par Démétrios de Phalère vers 325 av. J.C plus de 500 fables, toutes en prose.
Un renard affamé,
voyant des grappes de raisin pendre à une treille, voulut les attraper ; mais
ne pouvant y parvenir, il s?éloigna en se disant à lui-même : « C?est
du verjus. »
Pareillement certains hommes, ne pouvant mener à bien leurs affaires, à cause
de leur incapacité, en accusent les circonstances.
Le Renard et les raisins.
2. Apulée, né vers 123 à Madaure, au nord-est de l'Algérie, décédé après 170) est un écrivain, orateur et philosophe Sa renommée durable vient de son chef-d'?uvre, le roman latin Métamorphoses, également connu sous le nom de L'Âne d'or, qui a sa place dans la littérature mondiale. Les thèmes de certains de ses récits traversent les contes. Les Métamorphoses nous sont parvenues dans leur intégralité
le récit, un narrateur. En onze livres, le roman raconte les mésaventures du héros narrateur, Lucius, qui, désireux de connaître les mystères de l?au-delà, décide de séduire Photis, une servante de son hôte experte dans l?art magique. À la suite d?une erreur de la magicienne, il se retrouve transformé en âne au lieu de l?oiseau qu?il rêvait d?être?
3. Les Mille et Une Nuits est un recueil anonyme de contes populaires d'origine persane et indienne écrit en langue arabe.
[...] « Scheherazade, en cet endroit, s?apercevant qu?il était jour, et sachant que le sultan se levait de grand matin pour faire sa prière et tenir son conseil, cessa de parler. « Bon Dieu ! ma s?ur, dit alors Dinarzade, que votre conte est merveilleux ! ? La suite en est encore plus surprenante, répondit Scheherazade ; et vous en tomberiez d?accord, si le sultan voulait me laisser vivre encore aujourd?hui, et me donner la permission de vous la raconter la nuit prochaine. » Schahriar, qui avait écouté Scheherazade avec plaisir, dit en lui-même : « J?attendrai jusqu?à demain ; je la ferai toujours bien mourir quand j?aurai entendu la fin de son conte. » Ayant donc pris la résolution de ne pas faire ôter la vie à Scheherazade ce jour-là, il se leva pour faire sa prière et aller au conseil? »
Sinbad le marin, d'origine perse conte les aventures d'un marin de la ville de Bassorah du temps de la dynastie des Abbassides. Un pauvre porteur se plaint à Allah. Il regrette les inégalités de richesse un riche marchand l?entend et lui révèle alors qu'il n'a pas toujours été riche et que sa richesse ne lui est venue qu?après d'incroyables aventures. À ce moment commence le récit de ses voyages, au nombre de sept dans les mers de l'est de l'Afrique et du sud de l'Asie, dans lesquels il a vécu de nombreuses aventures fantastiques .
C?est Sinbad qui parle par la bouche de Schérazade :
« Le capitaine fit plier les voiles, et permit de prendre
terre aux personnes de l?équipage qui voulurent y descendre. Je fus du nombre
de ceux qui y débarquèrent. Mais dans le temps que nous nous divertissions à
boire et à manger, et à nous délasser de la fatigue de la mer, l?isle trembla
tout-à-coup, et nous donna une rude secousse?
À ces mots, Scheherazade s?arrêta, parce que le jour commençait à paraître.
Elle reprit ainsi son discours sur la fin de la nuit suivante : »
4. Marie de France appartient à la génération des auteurs qui illustrèrent l'amour courtois en littérature, entre autres par l'adaptation des légendes orales bretonnes. Plusieurs lais font intervenir le merveilleux, mais tous ont néanmoins le monde réel pour toile de fond. Elle est la première femme écrivain d'expression française.
« Le Roi Marc fort irrité contre son neveu, le chassa de son royaume parce qu'il aimoit la reine, dont il étoit tendrement aimé. Tristan revint dans le Southwales sa patrie, où il demeura pendant une année. L'éloignement de sa belle, l'ennui de l'absence, le conduisoieut insensiblement au tombeau. Ne vous etonnez pas de l'état du chevalier, tous ceux qui aiment loyalement ressentent les mêmes douleurs quand ils éprouvent des maux pareils. »
Lai du Chèvrefeuille (ou chevrefoil)
5. Boccace entre 1349 et 1353, Le Décaméron est un recueil de cent nouvelles écrites en italien. Durant la peste qui frappe la ville de Florence en 1348 et dont l?auteur a été témoin, dix jeunes gens se réunissent à l?église Santa Maria Novella et prennent la décision de s?isoler dans une villa lointaine pour échapper à la peste. Dans ce lieu clos, pour éviter de repenser aux horreurs vues, les jeunes gens se racontent des histoires. Ils restent durant quatorze jours dans la villa mais sans raconter d'histoire les vendredis et samedis. Le titre vient donc de ces dix journées de contes.
Voici le début :
« Pendant que les dames raisonnaient ainsi, voici qu?entrèrent dans l?église trois jeunes gens dont le moins âgé n?avait cependant pas moins de vingt-cinq ans, et chez lesquels, ni la perversité du temps, ni la perte d?amis ou de parents, ni la peur pour eux-mêmes, n?avaient pu, je ne dis pas éteindre, mais refroidir l?ardeur amoureuse. »
6. Geoffrey Chaucer (1340-1400), Contes. Le prologue nous montre une trentaine de pèlerins assemblés à l'auberge du Tabard à Southwark ? aux portes de Londres. Ils vont prendre la route pour un pèlerinage au tombeau de saint Thomas Becket, archevêque de Canterbury assassiné en 1170 dans cette cathédrale. L'hôtelier propose un concours pour égayer la route : un repas gratuit sera offert au meilleur conteur :
« Messeigneurs, dit-il, écoutez maintenant de votre mieux ;/ mais ne le prenez pas, s'il vous plaît, en mépris ;/ il s'agit, pour parler peu et clair,/ que chacun de vous, pour abréger la route,/ dans ce voyage, raconte deux histoires [...] sur des aventures arrivées au temps jadis. »
7. Giovanni Francesco Straparola, Les Nuits facétieuses (Le piacevoli notti), publié à Venise, d'abord en deux volumes, parus successivement en 1550 et 1553, puis réédité en un seul, en 1555. Parmi ces histoires, ou fables, appartenant à des genres variés, figurent ce qui constitue, en Europe, les premières versions littéraires de contes de fées et de contes populaires issus du folklore paysan vénitien, jusqu?alors exclusivement transmis oralement. Composées de soixante-treize favole, littéralement fables, plus concrètement contes, parmi lesquels quatorze contes de fées. A Murano, durant la période de carnaval, Lucretia Sforza désigne quotidiennement cinq jeunes filles chargées, chaque soir, de divertir sa cour en racontant une histoire et en la faisant suivre par une énigme.
« À Ravenne, ancienne ville de la Romagne, peuplée d?hommes illustres et fameux, surtout en médecine, demeurait jadis un excellent médecin, nommé Florio, homme de fort noble, riche et ancienne maison. Jeune et estimé de tous, autant pour son affabilité que pour son art, il épousa une charmante et fort belle femme, nommée Dorothée? »
(Nuit 12, fable 1)
8. Marguerite de Navarre, L?Heptaméron est un recueil inachevé de 72 nouvelles. L'ouvrage tire son titre du fait que le récit se déroule sur sept journées, la huitième étant incomplète.
9. Giambattista Basile, Le Pentamerone, publié pour la première fois à Naples entre 1634 et 1636 sous le titre Lo cunto de li cunti overo lo Trattenemiento de peccerille (« Le Conte des contes ou Le Divertissement des petits enfants »). Il est écrit en dialecte napolitain . Les contes recueillis par Giambattista Basile, comte de Torrone (v.1570-1632), l'auraient été principalement en Crète et à Venise. Quarante-neuf des cinquante contes du livre sont introduits par un premier conte qui leur sert de cadre, et dans lequel un groupe de personnes, durant cinq journées, sont amenés à raconter des histoires. Le Conte des contes se compose d?un récit en cinq journées de cinquante contes de fées réunissant l?ensemble des ingrédients du merveilleux : princes et princesses, fées, ogres et magiciens, animaux parlants et objets magiques, désirs d?enfant, épreuves à surmonter et dénouements heureux.
Voilà un de ces contes :
Une paysanne de Miano accouche d'une branche de myrte. Un prince
s'éprend de celle-ci et elle devient une très belle fée. Il part au loin en
laissant la fée dans la branche de myrte pourvue d'une clochette. Sept femmes
jalouses entrent dans la chambre du prince, elles touchent la branche de myrte
et la fée en sort; elles la tuent. Le prince revient, et de douleur, il veut
mourir; mais, par un étrange hasard, il retrouve la fée; et après avoir fait
mettre à mort les coupables, il la prend pour épouse."
Voici ce qu'on peut lire lorsque le valet qui s'occupe de la branche de myrte
découvre la fée "déchiquetée":
"Ayant découvert le désastre, il faillit s'étrangler de peur, et se tordant les mains de désespoir, il recueillit ce qui restait d'os et de chair, racla le sang qui souillait le parquet, fit de tout cela un petit tas qu'il plaça dans le pot, l'arrosa, tira les draps, ferma la porte, glissa la clef dessous et alla traîner ses guêtres loin de ce pays."
10. Jean de La Fontaine, Deux recueils de contes et nouvelles en vers se succèdent alors, en 1665 et 1666. La Fontaine publie successivement, en 1671, un troisième recueil de Contes et nouvelles en vers, 1674, un recueil de Nouveaux Contes est publié - mais cette fois-ci, l?édition est saisie et sa vente interdite.
Un mari ayant une aventure amoureuse au fond de son jardin
avec la belle servante de la maison, fut découvert par la voisine qui observait
tout de sa fenêtre. Comme il s'en était rendu compte, il fit subir la même
aventure..à sa propre femme...au même endroit...
Lorsque la voisine voulut raconter à la femme l'incartade de son mari avec la
servante, la femme ne put que lui répondre :
« C'est moi que vous preniez pour elle. »
La servante justifiée
11. Mme d?Aulnoy Entre 1697 et 1698, la baronne d?Aulnoy écrit vingt-cinq contes. C?est en 1697 que paraît l?ouvrage qui la rend célèbre, Les Contes des Fées, suivi en 1698, des Contes Nouveaux ou les Fées à la mode qui contiennent : Gracieuse et Percinet, L?Oiseau bleu, La Belle aux cheveux d?or, Le Prince lutin, L?Oranger et l?Abeille, Le Rameau d?or.
« Il était une fois un roi fort riche en terres et en argent ; sa femme mourut, il en fut inconsolable. Il s?enferma huit jours entiers dans un petit cabinet, où il se cassait la tête contre les murs, tant il était affligé. On craignit qu?il ne se tuât : on mit des matelas entre la tapisserie et la muraille ; de sorte qu?il avait beau se frapper, il ne se faisait plus de mal. Tous ses sujets résolurent entre eux de l?aller voir et de lui dire ce qu?ils pourraient de plus propre à soulager sa tristesse. »
« Oiseau bleu, couleur du temps,
Vole à moi promptement. »
L?oiseau bleu
12. Jeanne-Marie Leprince de Beaumont Entre 1750 et 1780, quarante volumes, dont les plus connus sont Le Magasin des enfants (1757, dans lequel figure La Belle et La Bête), Le Magasin des adolescentes (1760), Le Magasin des pauvres (1768). Elle doit toutefois sa postérité à la fortune d?un conte, La Belle et la Bête, dont elle fit l?emprunt à sa contemporaine, Mme de Villeneuve.
13. Voltaire Le conte philosophique, genre littéraire né au xviiie siècle, est une histoire fictive, critique de la société et du pouvoir en place pour transmettre des idées, concepts à portée philosophique : m?urs de la noblesse, régimes politiques, fanatisme religieux ou encore certains courants philosophiques. Il reprend la construction du conte et utilise certaines de ses formulations comme "il était une fois", dans le but de se soustraire à la censure qui sévit à cette époque. Il appartient, comme lui, au genre de l'apologue, court récit allégorique et argumentatif dont on tire une morale, et qui regroupe aussi, entre autres, la fable et l'utopie. Voltaire en est le principal auteur et Candide , Micromégas et Zadig sont ses ?uvres les plus représentatives.
« Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l'année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »
Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu'il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu'après le bonheur d'être né baron de Thunder-ten-tronckh, le second degré de bonheur était d'être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et le quatrième, d'entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent de toute la terre.
Candide, chapitre premier
14. Les frères Grimm. Les frères Grimm étaient deux linguistes, philologues et collecteurs de contes de langue allemande : Jacob (né le 4 janvier 1785 à Hanau et mort le 20 septembre 1863 à Berlin) et Wilhelm (né le 24 février 1786 à Hanau et mort le 16 décembre 1859 à Berlin).Ils commencent à collecter des contes en 1806.
Introduction aux Contes (Kinder und Hausmärchen) 1812-1829
« Au début nous avons cru que, dans ce domaine aussi, bien des choses avaient disparu et que seuls demeuraient les contes dont nous-mêmes avions connaissance et que d'autres narraient avec des variantes comme il arrive toujours. Mais, attentifs à tout ce qui subsiste vraiment de la poésie, nous avons aussi désiré connaître ces variantes, et alors un grand nombre de nouveaux contes sont apparus. Et bien que nous ne puissions beaucoup élargir nos investigations, notre collecte s'accrut d'année en année au point que, six ans s'étant écoulés, elle nous apparaît riche. »
Préface, Contes de l'enfance et du foyer, les frères Grimm
15. Charles Dickens.Un chant de Noël (A Christmas Carol), également publié en français sous les titres Cantique de Noël, Chanson de Noël ou Conte de Noël, est le premier et le plus célèbre des contes Son protagoniste, Scrooge, reste sans doute le personnage dickensien le plus universellement connu. Ce conte est d?abord une dénonciation de la misère du peuple de Londres mais il est devenu un classique de la littérature de Noël.
« Oh ! il tenait bien le poing fermé sur la meule, le bonhomme Scrooge ! Le vieux pécheur était un avare qui savait saisir fortement, arracher, tordre, pressurer, gratter, ne point lâcher surtout ! Dur et tranchant comme une pierre à fusil dont jamais l'acier n'a fait jaillir une étincelle généreuse, secret, renfermé en lui-même et solitaire comme une huître. Le froid qui était au dedans de lui gelait son vieux visage, pinçait son nez pointu, ridait sa joue, rendait sa démarche raide et ses yeux rouges, bleuissait ses lèvres minces et se manifestait au dehors par le son aigre de sa voix. »
Un conte de Noël
16. Andersen, Un premier recueil de contes d? Andersen est publié en 1834 Leur succès, immédiat et considérable, encourage Andersen à écrire quelque 173 contes. Véritables créations littéraires dans un style très personnel, ses Contes danois placent le merveilleux au c?ur de la société contemporaine et non plus dans un ailleurs irréel. Remarquables par leur ironie et l?absence des morales traditionnelles, ils osent présenter des histoires tragiques et des fins malheureuses, comme La Petite Marchande d?allumettes.
« Il faisait vraiment très, très froid ce jour là; il neigeait depuis le matin et maintenant il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait pieds nus dans la rue. Lorsqu'elle était sortie de chez elle ce matin, elle avait pourtant de vieilles chaussures, mais des chaussures beaucoup trop grandes pour ses si petits pieds. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle courut pour traverser devant une file de voitures; les voitures passées, elle voulut les reprendre, mais un méchant gamin s'enfuyait en emportant l'une d'elles en riant, et l'autre avait été entièrement écrasée par le flot des voitures. »
La petite fille aux allumettes, 1845.
17. Afanassiev, Les Contes populaires russes constituent l'un des recueils les plus importants de notre patrimoine culturel européen, et l'oeuvre d'Afanassiev, par son influence, est comparable à celle des frères Grimm. Nombre d'écrivains et d'artistes - tels Pouchkine, Gogol, Tolstoï, Prokoviev ou Chagall - s'y réfèrent explicitement, tandis que la Baba Yaga fait aujourd'hui frémir les enfants et les adultes du monde entier...
" [...] l'isba
de la baba Yaga était entourée d'une palissade faite d'ossements humains, plantés
de crânes humains dont les yeux luisaient; au portail, des jambes étaient
placées en guise de traverse, des bras servaient de verrous, une bouche aux
dents aiguës tenait lieu de serrure. Vassilissa se figea de peur et resta
clouée sur place. Soudain, un autre cavalier la croisa, il était noir, vêtu
de noir, monté sur un cheval noir. Il passa devant le portail et disparut,
comme englouti par la foret; alors la nuit tomba. Mais l'obscurité ne fut pas
longue; sur la palissade, les yeux des crânes s'allumèrent et il se mit à
faire aussi clair qu'en plein jour. [...] Tout à coup, dans la forêt, s'éleva
un bruit terrifiant, les arbres se mirent à craquer, les feuilles mortes à
crisser. La baba Yaga surgit du sous-bois, filant à tout allure dans son
mortier, ramant de son pilon, effaçant les traces de son balais. Au portail,
elle s'arrête, renifle alentour, crie : 18. Bilibine On ne peut mentionner les contes russes sans mentionner leur plus connu illustrateur |
19. Henri Pourrat Dès 1911, Henri Pourrat commence à collecter les contes. Le Trésor des contes. Il a recueilli la littérature orale d'Auvergne. Plus de mille contes et treize volumes du Trésor des contes constituent le plus grand recueil de contes au monde.
? Oh, mère-grand, comme vous avez bourrues vos
pauvres jambes, plus bourrues que les sapins du bois de Malavieille.
? C'est de vieillesse, ma petite fille, c'est de traînesse : j'ai
tant couru les bois que je suis devenue bois !
? Oh, mère-grand, que vous avez de grands bras !
? C'est pour mieux t'embrasser, ma petite !
? Oh, mère-grand, comme vous avez de grandes oreilles !
? Ma petite, c'est pour mieux t'écouter.
? Oh, mère-grand, comme vous avez de grandes dents !
? Ma petite, c'est pour mieux te manger !
Et hop, d'un seul coup de gueule, le loup la gobe comme le loriot gobe la
cerise.
Extrait du Petit
Chaperon rouge par Henri Pourrat.
Tiré du Trésor des contes, Gallimard
1948-1962.
II. Classifications
Aarne en 1910, Thompson en 1927 et en 1961 et enfin Uther en 2004. Devenue la classification Aarne-Thompson-Uther, elle est désormais identifiée par l'acronyme ATU.
Les trois petits cochons
Ce conte anglais du 18e siècle a été publié pour la première fois en 1843 dans Nursery Rhymes and Nursery Tales (Rimes et contes de fées de chambres d'enfant) de James Orchard Halliwell-Phillips.
Les versions:
- Conte original
Les trois petits cochons et leur mère. Illustration de L. Leslie Brooke, extraite de The Golden Goose Book, Londres, Frederick Warne, 1905.
Le grand méchant loup parvient à détruire les maisons des deux premiers petits cochons en soufflant dessus et les dévore. En revanche, il est impuissant contre celle du troisième petit cochon.
Pour le faire sortir de sa maison, le loup lui propose d'aller chercher des navets avec lui. Mais le cochon sort tôt le matin et rentre chez lui avec les navets avant l'arrivée du loup. Le loup retente sa chance et propose au cochon d'aller cueillir des pommes. Le cochon part à nouveau avant l'heure, mais ayant eu du mal à grimper à l'arbre, le loup arrive à son tour. Le cochon lance alors une pomme très loin en proposant au loup de la goûter. Pendant que le loup la ramasse, il se sauve. Le loup persévère et propose au cochon d'aller à la foire. Arrivé le premier à la foire, le cochon achète une baratte. Sur le chemin du retour, il voit venir le loup : il se cache alors dans la baratte et dévale la pente, ce qui fait peur au loup.
Ce dernier retourne à la maison du petit cochon et découvre que c'est le petit cochon qui lui a fait peur. En colère, il décide de rentrer par la cheminée pour dévorer le cochon. Mais il tombe dans une marmite de soupe bouillante et le cochon le mange pour son dîner.
- Walt Disney
-
- Dans un conte originaire du Tyrol italien, trois petites oies qui reviennent de la foire se retrouvent obligées de passer la nuit dans un bois, et se bâtissent chacune une maison pour se protéger contre le loup ; les deux premières oies se bâtissent respectivement une maison de paille et de bois, mais la troisième se bâtit une maison de fer. Le loup vient frapper chez la première oie et lui dit que si elle refuse de lui ouvrir la porte, il renversera sa maison. Elle refuse, le loup renverse la maison de paille et la mange. Même chose avec la maison de bois et la deuxième oie. Mais en voulant renverser la maison de fer de la troisième, le loup se casse une patte. Il s'en fait refaire une par un serrurier, et revient frapper chez la troisième oie en ajoutant qu'il aimerait entrer chez elle pour se faire cuire une soupe. L'oie lui répond alors qu'elle va elle-même lui en faire cuire une. Quand l'eau est bouillante, elle demande au loup d'ouvrir la gueule et la lui fait boire par la fenêtre. Le loup meurt et la troisième petite oie sort ses deux s?urs de son ventre.
- Dans un conte vénitien Les trois petites maisons, le loup ne renverse pas les maisons de la cane et de l?oie grâce à sa patte, mais grâce à une canonnade d'un certain genre.
- « Maintenant
voila le loup qui toque à la maison de pierre. Toc-toc.
- Qui est là, ? dit le petit cochon gris
- Ouvre la porte, j?ai si froid à mes petites mains, j?ai si froid à mes
petits pieds, j?ai si froid à mon petit museau.
- Tu es le loup, je ne t?ouvrirai pas, tu me mangerais. Par les poils de mon
menton, tu n?entreras pas dans ma maison.
Alors le loup péta comme un tonnerre, souffla comme une tempête mais la
petite maison de pierre ne bougeait pas. »
- Dans The three little Pigs, poème en rimes par Roald Dahl publié dans le recueil Revolting Rhymes, après avoir dévoré les deux premiers cochons, le loup essaye de détruire la maison en briques du troisième cochon. N'y arrivant pas, il décide de revenir durant la nuit et de la détruire avec de la dynamite. Le cochon, apeuré, téléphone au petit chaperon rouge. Celle-ci abat le loup d'une balle dans la tête avec un pistolet caché dans sa culotte. Elle se fabrique un manteau de fourrure avec la peau du loup, puis une valise en peau de cochon...
La Belle et la Bête
Une jeune femme prénommée Belle se sacrifie pour sauver son père, condamné à mort pour avoir cueilli une rose dans le domaine d'un terrible monstre. Contre toute attente, la Bête épargne Belle et lui permet de vivre dans son château. Elle s'aperçoit que, derrière les traits de l'animal, souffre un homme victime d'un sortilège. Le conte a fait l'objet de nombreuses adaptations au cinéma, au théâtre et à la télévision .
Fiction et réalité.
L?histoire de Pedro Gonzales aurait influencé l?écriture du conte. Cela expliquerait le regain d?intérêt qu?il a suscité à partir du XVIe siècle. Pedro Gonzales, né en 1537 à Tenerife dans les îles Canaries est le premier cas connu d?hypertrichose. Cette maladie congénitale rarissime se caractérise par un développement très important du système pileux. Le roi Henri II de France s?entiche du garçon, qu?on lui offre alors qu?il a 10 ans. Le roi lui donne une excellente éducation. Il était surnommé, à la cour, le « sauvage du roi». Il épouse vers 1572 Catherine Raffelin, avec qui il aura sept enfants dont Antoinette atteinte elle aussi de cette maladie.
Les versions
L'une des versions les plus anciennes de ce conte est sans doute celle d'Apulée (125-170), Amour et Psyché (extrait de l'Âne d'Or ou Les Métamorphoses), qui date du ii siècle. Comme la Belle, Psyché est offerte à un monstre dont on dit qu?il la dévorera ; elle est reçue comme une princesse par son hôte, un concert sans musiciens lui est offert?
En 1550, Francesco Straparola en donna une version qu'il avait tirée du folklore italien et qu'il publia dans ses Nuits facétieuses (Le Roi Porc, deuxième nuit, 1er conte). Un roi et une reine d?Angleterre donnent naissance à un porcelet. Ils se résolvent à l?élever, non pas comme une bête, mais comme un être raisonnable (bien qu?il se vautre dans la fange, dès que l?occasion se présente). Quand il grandit, le prince tombe sous le charme d?une jeune fille simple et pauvre (mais très belle). Ses parents la forcent à épouser la Bête. Toutefois, la Bête la tue quand il comprend qu?elle projette d?en faire de même. Il force alors la deuxième fille de la maison à l?épouser, mais elle connaît le même sort. Il se tourne vers la cadette, qui (bizarrement) est ravie de cette demande. Elle couvre son mari de tendresse et, évidemment, sa bonté se voit récompensée. Peu après le mariage, le prince lui avoue son secret : il ôte sa peau de porc et prend l?aspect d?un beau jeune homme.
L?histoire parait en France sous la plume de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, en 1740, dans un recueil de contes, La Jeune Américaine et les contes marins, publié anonymement, où différents passagers d'une traversée maritime se racontent des histoires pour passer le temps.
« Dans un pays fort éloigné de celui-ci, l'on voit une grande ville, où le commerce florissant entretient l'abondance. Elle a compté parmi ses citoyens un marchand heureux dans ses entreprises, et sur qui la fortune, au gré de ses désirs, avait toujours répandu ses plus belles faveurs. Mais s'il avait des richesses immenses, il avait aussi beaucoup d'enfants. Sa famille était composée de six garçons, et de six filles. Aucun n'était établi. Les garçons étaient assez jeunes pour ne se point presser. Les filles trop fières des grands biens, sur lesquels elles avaient lieu de compter, ne pouvaient aisément se déterminer pour le choix qu?elles avaient à faire. »
Il ne connut véritablement la célébrité que lorsqu'il fut abrégé et repris par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont dans son Magasin des enfants en 1757. Cette dernière supprima, en particulier, toute la seconde partie, où Madame de Villeneuve relatait la querelle des fées expliquant l'origine royale de la Belle. C'est sur cette version que sont basées la plupart des adaptations ultérieures.
Contes religieux
Le petit paysan au ciel Un conte des frères Grimm
« Il mourut une
fois un pauvre bon paysan qui vint à la porte du paradis. En même temps mourait
un riche, riche seigneur qui monta aussi au ciel. Saint Pierre arriva avec ses
clefs, ouvrit la porte et fit entrer le seigneur; mais sans doute il n'avait
pas vu le paysan, car il le laissa dehors et ferma la porte. Le paysan entendit
la joyeuse réception que le ciel faisait au richard avec le chant et la
musique. Quand le bruit se fut apaisé, saint Pierre revint et fit entrer enfin
le pauvre homme. Celui-ci s'attendait qu'à son entrée le chant et la musique
allaient recommencer. Mais tout resta tranquille. On le reçut de bon c?ur, les
anges allèrent au-devant de lui; mais personne ne chanta. Il demanda à saint
Pierre pourquoi la musique n'allait pas pour lui comme pour le riche, et si la
partialité régnait au ciel comme sur la terre.
"Non," lui répondit le saint, "tu nous es aussi cher qu'aucun
autre, et tu goûteras, tout comme celui qui vient d'entrer, les joies du
paradis; mais vois-tu, des pauvres paysans comme toi, il en entre tous les
jours ici, tandis que des riches, il n'en vient pas un tous les cent ans."
Contes nouvelles
Le personnage du titre est le marchand Antonio. Pour rendre service à son protégé Bassanio, il emprunte de l'argent à l'usurier Shylock. Certain de pouvoir le rembourser, il signe un contrat où il autorise son créancier à lui prélever une livre de chair en cas de défaut de paiement. Il ne peut faire face à son échéance et Shylock, qui veut se venger des humiliations que lui ont fait subir les chrétiens, insiste pour que le contrat soit appliqué à la lettre.
Le portrait du Juif Shylock suscite de nombreuses interrogations et des interprétations très diverses, les uns y voyant un bouc émissaire, reflet des préjugés antisémites, les autres le porte-parole éloquent d?une communauté qui revendique un traitement humain.
Cette ambiguité fait que la pièce est parfois considérée comme l'une des « pièces à problème » de Shakespeare.
« Je suis juif... un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes, des proportions, des sens, des émotions, des passions ? N'est-il pas nourri de même nourriture, blessé des mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, réchauffé et refroidi par le même été, le même hiver, comme un chrétien ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? Si vous nous faites tort, ne nous vengerons-nous pas ? Si nous vous ressemblons dans le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela...» (MV, III,1, p. 155)? William Shakespeare, Le Marchand de Venise, Acte III,
Contes de l?ogre dupé Hansel et Gretel
Hansel, Gretel et leurs parents habitent une chaumière à l'orée d'un grand bois. Cette année, une disette s'est abattue sur le pays. Les parents, la mère surtout, décident alors d?aller perdre leurs enfants dans la forêt... Mais Hansel et Gretel retrouvent leur chemin grâce à des cailloux semés derrière eux. A la deuxième tentative, les enfants ont semé des miettes? que les animaux s?empressent de manger !
« Et j'te grignote et grignotons,
- Qui me grignote ma maison ? »
« C'est le vent, c'est le vent, C'est le céleste vent »
puis :
« Canard blanc, canard blanc, Ici Margot et Petit-Jean. Aucun sentier et pas de pont,
Porte-nous sur ton beau dos rond. »
Quelques points:
- abandon des enfants
- La mère et non la belle-mère dans le conte original
- La forêt hostile puis familière
- -la tentation (maison de la sorcière)
- La peur
- La mort des tyrans: mère et sorcière, confondues?
La version d?Anthony Browne avec ses barreaux ses enfermements et la mégère confondue avec la sorcière
Contes facétieux le vaillant petit tailleur
« Le
géant examina le tailleur d'un air méprisant et dit :
- Gredin, triste individu !
- Tu crois ça, répondit le tailleur en dégrafant
son manteau et en montrant sa ceinture au géant.
- Regarde là quel homme je suis !
Le géant lut : « Sept d'un coup », s'imagina
qu'il s'agissait là d'hommes que le tailleur avait tués et commença à avoir un
peu de respect pour le petit homme. Mais il voulait d'abord l'éprouver. Il prit
une pierre dans sa main et la serra si fort qu'il en coula de l'eau.
- Fais-en autant, dit-il, si tu as de la force.
- C'est tout ? demanda le petit tailleur. Un jeu
d'enfant !
Il plongea la main dans sa poche, en sortit le
fromage et le pressa si fort qu'il en coula du jus. »
Contes formulaires
La belle Catherinelle et Pif Paf Poltrie -Grimm
« - Bien le
bonjour, Père Hollenthe.
- Merci bien, Pif Paf Poltrie.
- Pourrais-je épouser votre fille?
- Mais oui, si Mère Trait-la-Vache, frère Hautorgueil, s?ur Tendre-Fromage et
la belle Catherinelle sont d'accord, cela pourra se faire.
- Où est donc Mère Trait-la-Vache?
- Elle est à l'écurie et trait la vache.
- Bien le bonjour, Mère Trait-la-Vache.
- Merci bien, Pif Paf Poltrie.
- Pourrais-je épouser votre fille?
- Mais oui, si Père Hollenthe, frère Hautorgueil, s?ur Tendre-Fromage et la
belle Catherinelle sont d'accord, cela pourra se faire. »
La Clé d'or (Der goldene Schlüssel) est un conte de fée allemand recueilli par les frères Grimm.
Un jour d'hiver, comme le sol était recouvert d'une épaisse couche de neige, un pauvre garçon dut sortir avec un traîneau pour aller chercher du bois. Une fois le bois ramassé et chargé sur son traîneau, comme il était transi de froid, il décida de ne pas rentrer tout de suite chez lui, mais de faire d'abord un bon feu pour se réchauffer un peu. Il se mit à gratter la neige et, en dégageant ainsi le sol, il trouva une petite clé d'or. Pensant alors que si la clé était là, la serrure qu'elle ouvrait ne devait pas se trouver bien loin, il creusa le sol et trouva un coffret de fer. « Pourvu que la clé aille! se dit-il, ce coffret contient certainement des trésors. » Il chercha la serrure, mais n'en trouva point; enfin, il en découvrit une, mais elle était si petite que c'est à peine si on pouvait la voir. Il essaya la clé, et c'était bien la bonne. Il donna un tour de clé, et à présent, il nous faut attendre qu'il finisse d'ouvrir la serrure et qu'il soulève le couvercle pour savoir quelles merveilles étaient contenues dans le coffret.
III. Des cas bien particuliers
A quels contes appartiennent-ils ?
Texte 1
« Et le bzou arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l'arche et une bouteille de sang sur la bassie.
La petite fille arriva, frappa à la porte.
(?)
Mets-les dans l'arche, mon enfant. Prends de la viande qui
est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie.
Suivant qu'elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :
? Pue !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.
? Déshabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi.
(?)
? Oh! ma grand, que j'ai faim d'aller dehors !
? Fais au lit mon enfant !
? Oh non, ma grand, je veux aller dehors.
? Bon, mais pas pour longtemps.
Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller. Quand la petite
fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour.
Le bzou s'impatientait et disait : "Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc
des cordes ?
(?) »
Texte 2
« La Reine Mère envoya sa Bru et ses enfants à une maison de campagne dans les bois, pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla quelques jours après, et dit un soir à son Maître d?Hôtel :
? Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore.
(?)
Je le veux, dit la Reine (et elle le dit d?un ton d?Ogresse qui a envie de manger de la chair fraîche), et je la veux manger à la Sauce-robert.
(?)
Huit jours après la méchante Reine dit à son Maître d?Hôtel :
? Je veux manger à mon souper le petit Jour.
Cela était fort bien allé jusque-là ; mais un soir cette méchante Reine dit au Maître d?Hôtel :
? Je veux manger la Reine à la même sauce que ses enfants.
(?)»
Texte 3
Alors les deux s?urs se réjouirent, car elles avaient le pied joli. L'aînée alla dans sa chambre pour essayer le soulier en compagnie de sa mère. Mais elle ne put y faire entrer le gros orteil, car la chaussure était trop petite pour elle; alors sa mère lui tendit un couteau en lui disant : Coupe-toi ce doigt; quand tu seras reine, tu n?auras plus besoin d'aller à pied. Alors la jeune fille se coupa l'orteil, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouver le fils du roi.
(?)
Alors il regarda le pied et vit que le sang en coulait. Il fit faire demi-tour à son cheval, ramena la fausse fiancée chez elle, dit que ce n'était pas la véritable jeune fille et que l'autre soeur devait essayer le soulier. Celle-ci alla dans sa chambre, fit entrer l?orteil, mais son talon était trop grand. Alors sa mère lui tendit un couteau en disant : - Coupe-toi un bout de talon; quand tu seras reine, tu n'auras plus besoin d'aller à pied.
Texte 4
« - Fais bien attention, répliqua la maîtresse, écoute bien, ouvre l?oreille et le pain blanc te viendra comme la rosée aux fleurs. Quand ton père sera sorti, demande à ta belle-mère une des vieilles robes qui sont dans le grand coffre du cabinet de toilette, et dis que c?est pour ménager celle que tu as sur le dos. Comme elle aime à te voir en haillons, elle ouvrira le coffre et te dira : « Tiens le couvercle. » Tandis qu?elle sera en train d?y fureter, tu laisseras tomber le couvercle, et il lui cassera le cou. Cela fait, tu sais que ton père est homme à fabriquer de la fausse monnaie pour te plaire : un jour qu?il sera en train de te caresser, engage-le à m?épouser. Alors tu seras heureuse, car tu seras la maîtresse de ma vie.
(?) »
« ? Baisse la voix et retiens ta langue. J?ai résolu de former ce soir avec toi le n?ud du mariage ; si tu refuses, je te coupe en si menus morceaux que le plus grand sera l?oreille ! »
(?)
« ? Courage, ma fille, ne te désespère pas, car à tous maux il y a remède, sauf à la mort. Écoute : quand ton père viendra ce soir pour se livrer à sa passion, mets ce petit morceau de bois dans ta bouche. Aussitôt tu deviendras une ourse et tu te sauveras, car il aura peur et te laissera fuir. Tu t?en iras droit à la forêt où, depuis le jour de ta naissance, le ciel te garde ta destinée. Lorsque tu voudras redevenir femme, tu le pourras toujours : tu n?auras qu?à ôter le bâtonnet de ta bouche et tu retourneras à ta forme première. »
(?)
À ces paroles le prince répondit :
? Je ne connais qu?une chose qui me puisse consoler, la vue de l?ourse. Si vous voulez que je guérisse, amenez-la dans cette chambre. Je ne souffrirai pas qu?une autre me soigne et fasse mon lit, ainsi que ma cuisine. Sans qu?il soit besoin d?aucun remède, son agréable présence me guérira en quatre secondes.
(?)
Le prince, qui ne désirait rien d?autre en ce monde, lui donna aussitôt sa foi. La reine bénit le jeune couple, fit ce beau mariage avec grandes fêtes et illuminations, et Prétiosa justifia le proverbe qui dit que
Qui fait bien bien attende.
Le chaperon
(?) Tous ces titres inspirés par un détail vestimentaire du héros dans une version particulière ont un caractère accessoire et accidentel dans le récit. Et on voit l'erreur de ceux qui ont voulu trouver un sens symbolique à notre conte en partant du nom de l'héroïne coiffée en rouge en qui ils voyaient l'aurore, la reine de mai avec sa couronne, etc.
Paul Delarue, Le Catalogue raisonné du conte populaire français. Maisonneuve et Larose, 1951
Le petit chaperon de velours rouge est le symbole de la menstruation ; la petite fille dont on nous conte les aventures, devenue une femme, doit maintenant faire face aux problèmes du sexe Erich Fromm (1900-1980
Galette
La galette est toujours là, c?est le pot de beurre ou la bouteille qui changent
? Ne point s'écarter du chemin, pour ne pas tomber et briser le pot de beurre, qu'est-ce d'autre qu'une mise en garde contre le danger du sexe et la perte de la virginité ?
Les chemins:
Dans la version Perrault, le loup, après s'être informé de l'endroit où se rend la fillette, lui dit qu'il ira "par ce chemin icy" et elle "par ce chemin-là«. Dans les versions populaires, le loup demande : "Quel chemin prends-tu ? Celui des épingles ou celui des aiguilles ?". Il y a quelques variantes dans la désignation des chemins: on trouve aussi le chemin des pierrettes et le chemin des épinettes en langue d'oc, le chemin des ronces et celui des pierres en Tyrol. Ces absurdes chemins qui surprennent l'adulte et ont intrigué les chercheurs, ravissent au contraire les enfants qui trouvent toute naturelle leur existence au pays de féerie.
Paul Delarue, Le Catalogue raisonné du conte populaire français. Maisonneuve et Larose, 1951
. Tout d'abord celui du choix du chemin offert à la petite fille par le loup quand ils se rencontrent : "Quel chemin veux-tu prendre, lui dit-il, celui des épingles ou celui des aiguilles ?" Cette formulation dont P. Delarue remarque la constance dans les versions de tradition orale, reçoit de sa part le commentaire suivant : "Ces absurdes chemins qui surprennent l'adulte et ont intrigué les chercheurs, ravissent par contre les enfants qui trouvent toute naturelle leur existence au pays de la féerie, et qui leur trouvent toutes sortes de justifications"2. Pour P. Delarue, c'est un détail "puéril", et Perrault l'aurait laissé de côté pour cette raison même dans sa version ; c'est le loup qui règle d'autorité l'affaire du chemin : "Je m'y en vais par ce chemin icy et toi par ce chemin là" ordonne-t-il à la petite fille. Marc Soriano qui cherche à déterminer la genèse de la version Perrault et examine les versions de tradition orale se range à l'avis de P. Delarue : l'alternative proposée par le loup ne serait qu'un jeu. "On peut rapprocher ces absurdes chemins, propose-t-il, de ce jeu très apprécié des plus petits, qui consiste à leur demander s'ils préfèrent la sonnette ou le bouton"3. Une fausse alternative donc, car, dans les deux cas, les chemins sont désignés par des objets également piquants, donc blanc bonnet et bonnet blanc. Ce "merveilleux" détail, Perrault ne l'aurait pas conservé, poursuit Soriano, car "ces surprenants chemins auraient amusé les enfants mais auraient paru incompréhensibles aux autres lecteurs." A cela on peut répondre que les jeux de mots et calembours jouent un rôle fondamental dans la culture paysanne et tout particulièrement dans la tradition orale qui comprend tant de "devinailles" à double sens. Aussi les analyses de Delarue et de Soriano se fondent-elles sur l'idée ? fausse ? que les contes seraient uniquement destinés aux enfants. Il faut au contraire prendre au sérieux "ces absurdes chemins", et l'ethnographie peut nous aider à en expliciter le sens, autrement dit à nous faire comprendre le langage de l'épingle et de l'aiguille.
Yvonne Verdier
Le repas:
Le motif cruel et primitif de la chair et du sang mis de côté, que la petite fille est invitée à consommer, se retrouve dans toutes les versions populaires, avec des variantes de détail. par exemple les dents de la grand-mère qui restent attachées aux mâchoires et provoquent les questions de la fillette, sont présentées par le loup comme des grains de riz dans le Tyrol, comme des haricots dans les Abruzzes.
Paul Delarue, Le Catalogue raisonné du conte populaire français. Maisonneuve et Larose, 1951
Un second motif, également absent de la version Perrault, est développé dans toutes les versions de tradition orale, c'est celui du repas proprement cannibale de la petite fille, invitée par le loup à se restaurer ; c'est la chair et le sang de sa grand-mère qu'il lui offre comme souper. S'y adjoint le motif de la "voix" qui renseigne la petite fille sur la véritable nature de son dîner, mais que toujours elle entend de travers. Motif que P. Delarue qualifie de "cruel et primitif", appartenant à la forme ancienne du conte, sans autres commentaires. Cette fois, Perrault l'aurait mis de côté pour cette raison même ; M. Soriano est du même avis. Sans pouvoir ici rentrer dans les véritables raisons de Perrault, il est difficile de s'en tenir là, car, dans sa Belle au bois dormant, il n'hésite pas à développer le motif tout aussi "cruel" et "sauvage", semble-t-il, de la Reine mère ordonnant à son cuisinier de lui servir le c?ur et le foie de ses petits-enfants, et les détails culinaires ne nous sont point épargnés, puisqu'elle exige la petite Aurore "à la sauce Robert", c'est-à-dire à la moutarde et aux petits oignons.
Yvonne Verdier
La fin:
Le tragique dénouement de la version de Perrault terminent aussi le plus grand nombre de versions populaires.
La dévoration
Ce que nous dit donc
le conte, c'est la nécessité des transformations biologiques féminines qui
aboutissent à la supplantation des vieilles par les jeunes, mais de leur vivant
les mères seront remplacées par leur fille, la boucle sera bouclée avec l'arrivée
des enfants de mes enfants. Moralité les mères-grands seront mangées.
Yvonne Verdier
Le lit
. Par exemple, quand le petit Chaperon rouge se déshabille
et rejoint le loup dans le lit, et que le loup lui dit que ses grands bras sont
faits pour mieux l'embrasser, rien n'est laissé à l'imagination. Comme la
fillette, en réponse à cette tentative de séduction directe et évidente,
n'esquisse pas le moindre mouvement de fuite ou de résistance, on peut croire
qu'elle est idiote ou qu'elle désire être séduite. Dans les deux cas, elle
n'est certainement pas un personnage auquel on aurait envie de s'identifier. De
tels détails, au lieu de présenter l'héroïne telle qu'elle est (une petite
fille naïve, séduisante, qui est incitée à négliger les avertissements de sa mère
et qui s'amuse innocemment, en toute bonne foi), lui donnent toute l'apparence
d'une femme déchue.
B. Bettelheim
La sexualité
C'est sans grande
difficulté que l'on comprendra la majeure partie du symbolisme de ce conte. Le
petit chaperon de velours rouge est le symbole de la menstruation ; la
petite fille dont on nous conte les aventures, devenue une femme, doit
maintenant faire face aux problèmes du sexe. ? Ne point s'écarter du chemin,
pour ne pas tomber et briser le pot de beurre, qu'est-ce d'autre qu'une mise en
garde contre le danger du sexe et la perte de la virginité ? ? L'appétit
sexuel du loup est éveillé à la vue de la fillette ; il essaie de la
séduire en l'invitant à regarder alentour et à écouter le chant suave des
oiseaux. Le petit Chaperon rouge ouvre sur le monde des yeux tout neufs, et,
suivant les invites du loup, s'enfonce au plus profond du bois. Elle veut
pourtant se disculper, et sa conduite s'achève en un acte de rationalisation
bien caractéristique : pourquoi aurait-elle tort, alors qu'elle se
convainc que sa grand-mère serait heureuse des fleurs que, pour elle, elle
cueillerait ?
Mais cette déviation du droit chemin de Vertu
est sévèrement punie. Le Loup, s'étant déguisé en grand-mère, dévore l'innocent
petit Chaperon rouge. Son appétit apaisé, il s'endort.
Le mâle est décrit comme
l'animal cruel et rusé, l'acte sexuel est représenté comme l'acte cannibalesque
par lequel le mâle dévore la femelle. Mais tel n'est point le point de vue de
la femme qui aime l'homme et jouit du sexe. Ne serait-ce point là l'expression
de l'antagonisme foncier qui oppose l'homme et l'essence même de la
sexualité ? D'ailleurs la haine et le préjugé de la femme contre l'homme
sont plus clairement soulignés encore à la fin de l'histoire. Ici, comme dans
le mythe babylonien, il nous faut nous souvenir que la supériorité de la femme
consiste en sa capacité de porter des enfants. Comment, dès lors, le loup se
rend-il ridicule ? En montrant qu'il a essayé de jouer le rôle d'une femme
féconde, qui, en elle, possède des germes de vie. Le petit Chaperon rouge
emplit de pierres le ventre de l'animal ? de pierres, symbole de la stérilité ?
le loup s'effondre et meurt. Selon la loi primitive du talion, son acte est
puni, et puni selon son crime : il est tué par les pierres, symbole de la
stérilité, qui raillent son usurpation du caractère de fécondité de la femme.
Ce conte, dont les trois protagonistes
incarnent trois générations, dans la lignée féminine ? le chasseur, à la fin,
est la figure conventionnelle du père, qui n'a pas de poids réel ? fait jaillir
en pleine lumière le conflit des deux sexes : c'est l'histoire du triomphe
de la femme haïssant l'homme, trouvant son accomplissement dans sa victoire,
qui, tout à l'inverse du mythe d'Oedipe, fait sortir l'homme victorieux de la
bataille.
Erich Fromm (1900-1980
Psychanalyste américain d'origine allemande,) prône une adaptation de la psychanalyse à la dynamique sociale à partir d'une lecture humaniste de Marx. Le conte du Petit Chaperon rouge illustre très bien le point de vue freudien et jette en même temps une claire lumière sur le thème du conflit des principes masculin et féminin que nous trouvons dans la trilogie oedipienne et dans le mythe de la Création. Ce texte est extrait de Le langage oublié (Payot, 1951).
Le loup
e vieillot qu'un lecteur de
l'époque.Autre preuve de cette élaboration. Dans le conte populaire de
"mise en garde", le loup dont il est question
est un vrai loup, ou un Drac, ou un Dzou, représentant un danger matériel bien
réel : danger de se laisser happer par un fauve en traversant le bois,
danger de tomber dans la rivière, etc.
Aussi bien, les loups, à l'époque, n'étaient
pas un danger imaginaire. Un nombre relativement considérable d'enfants et
d'adultes étaient tués chaque année par ces fauves, surtout dans les régions
situées à l'écart des grandes voies de communication.
Dans le conte "élaboré" que
nous étudions, le mot loup renvoie au fauve, mais il est en même temps pris au
sens figuré. La "moralité" ne laisse aucun doute sur ce point :
"Je dis le loup,
car tous les loups
Ne sont pas de la même sorte ; [...]
Mais, hélas! qui ne sait que ces loups
doucereux,
De tous les loups sont les plus
dangereux."
Comme l'a fort bien vu Barchilon,
l'auteur joue habilement de cette ambiguïté. Il s'adresse toujours à un public
enfantin, sans doute, mais en même temps se permet des clins d'?il en direction
de l'adulte. La touche est d'abord légère et ressemble à une de ces
invraisemblances qui ne sont pas rares dans les livres pour la jeunesse :
"Le pauvre enfant qui ne savait pas qu'il
est dangereux de s'arrêter à écouter un loup [...]"
Normalien, agrégé de philosophie, Marc Soriano (1918-1994) est romancier et psychanalyste. Professeur de littérature populaire et pour la jeunesse à Bordeaux III et professeur émérite à Paris VII, il est spécialiste de Charles Perrault et de Jules Verne. En 1968, il publie aux éditions Gallimard Les Contes de Perrault, culture savante et traditions populaires dont ce texte est extrait.
Peau d?Ane
Version de Perrault, (le conte est en vers)
Résumé:
Mourante, une reine se fait promettre par le roi de ne prendre pour nouvelle épouse qu'une femme plus belle qu'elle. Mais la seule personne capable de rivaliser avec sa beauté n'est autre que sa propre fille. Le roi la demande en mariage. Pour échapper à cette union incestueuse et sur les conseils de sa marraine, la princesse demande à son père, pour sa dot, des robes irréalisables, mais il parvient toujours à les lui offrir. Elle lui demande alors de sacrifier son âne qui produit des écus d'or et le roi s'exécute. La princesse s'enfuit alors du château, revêtue de la peau de l'âne. Elle emporte avec elle ses plus belles robes. Le prince d?un autre royaume, où s'est installée Peau d'âne comme servante, la voit, mais il ne la reconnaît pas sans ses tenues de princesse. Il demande alors que Peau d'âne lui fasse un gâteau. En faisant la galette, elle laisse tomber sa bague dans la pâte. Le prince demande immédiatement que toutes les femmes et demoiselles du pays viennent essayer la bague. Aucune ne peut passer la bague. Enfin, on fait venir Peau d'âne. Son doigt entre dans la bague et le prince peut alors l'épouser.
Que contre un fol amour et ses fougueux transports
La Raison la plus forte est une faible digue,
Et qu?il n?est point de riches trésors
Dont un Amant ne soit prodigue ;
Que de l?eau claire et du pain bis
Suffisent pour la nourriture
De toute jeune Créature,
Pourvu qu?elle ait de beaux habits ;
Que sous le Ciel il n?est point de femelle
Qui ne s?imagine être belle,
Et qui souvent ne s?imagine encor
Que si des trois Beautés la fameuse querelle
S?était démêlée avec elle,
Elle aurait eu la pomme d?or.